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Silent Hill
Le premier opus de la série des Silent Hill existe dans l’ombre de son successeur, ce qui est surprenant dans la mesure où tout semble déjà posé dès le premier jeu. L’ambiance, la gravité des thèmes abordées ainsi que les mécaniques sont là et ne seront que raffinées par la suite, sans subir de bouleversement.
Harry Mason, le protagoniste, doit retrouver non pas sa femme mais sa fille Cheryl, perdue dans Silent Hill après un accident de voiture causé par l’apparition soudaine sur la route d’une petite fille que le véhicule n’a éviter de justesse que par une embardée sur le bas-côté. Ici aussi, lors de son périple dans la ville (divisée en 3 quartiers distincts), il rencontrera différents personnages.
Les analogies avec la série Twin Peaks ont été relevées à maintes reprises, mais elles sont absolument pertinentes. Ce n’est pas par hasard que ces deux œuvres ont pris pour titre un lieu géographique car c’est bien l’espace qui suscite l’ « étrange familiarité » évoquée par Freud et qui signe le caractère spécifique de la série et du jeu. Je reconnais ces espaces, mais quelque chose ne va pas. Plusieurs éléments travaillent à ce quelque chose.
D’abord, le jeu commence in media res et assume une narration laconique tout le long du jeu jusqu’à son terme. Remarquable pour un jeu sorti en 1999 (Dark Souls much ?).
On pense également au travail sonore. Le jeu alterne entre des nappes sonores type ambiant industrielle et des sonorités plus agressives et métalliques au rythme soutenu. Le travail de composition est remarquable et ne peut échapper au joueur. Le design sonore est également de qualité, des bruitages aux sons des menus. Il faut également mentionner le travail de doublage qui est très convaincant dans un style manifestement inspiré des films de Lynch : des dialogues relativement courts et évasifs avec de longs silence dans l’échange entre les personnages. La traduction française est elle calamiteuse, allant des fautes de français grossière aux erreurs de traduction rendant impossible la résolution d’énigme (dans la première énigme, la dove aux ailes blanches devient un pigeon).
La mise en scène est également remarquable, en particulier ses mouvements de caméra. Certes, Silent Hill a été développé suite au succès du premier Resident Evil mais contrairement à ce dernier il opte d’emblée pour une caméra qu’on qualifiera de semi-libre. Car contrairement à la quasi-intégralité des TPS 3D, elle ne cherche pas systématiquement à se trouver derrière l’épaule du joueur. Au contraire, à chaque changement de plan (à chaque porte ouverte) elle est placée de façon à ce que le personnage soit face à la caméra ou, en extérieur, sur le côté en plongée. Quand le joueur traverse son axe la caméra va devenir mobile en le précédant ou se replacer derrière lui pour le suivre. Une gâchette permet de passer en mode caméra libre, mais il n’est pas tout à fait possible de « panoter » à sa guise dans les intérieurs si bien que la caméra semble se heurter parfois à un mur, renforçant le sentiment d’enfermement. Un mouvement est particulièrement surprenant, au début du jeu, alors que le joueur avance dans d’étroites ruelles. La caméra fait un mouvement de contorsion au moment où Harry approche sous elle et semble se tordre pour passer au dessus d’une poutre, culminer au dessus de lui, puis redescendre après son passage pour le filmer de dos alors qu’il quitte la ruelle. Le mouvement est fabuleux1 :
Malgré le tank control le jeu se manie bien et reste très plaisant à jouer. J’ai terminé le jeu en mode normal avec beaucoup de munitions, mais en m’aidant parfois d’un guide. Il faut saluer combien les émulateurs (ici Duckstation) sont mis à contribution, rendant l’expérience proche d’un remaster en bonne et due forme.
M’intéressant généralement peu à l’histoire et la narration de Silent Hill étant pour le moins absconse, ses détails m’échappent largement, ce qui ne me déplaît pas. Bien au contraire, j’ai pris plaisir à lire les théories de ses nombreux exégètes.
Enfin, pour terminer - même s’il y aurait encore tant à dire - je me dois de relever combien le jeu est pesant et sombre. Réussite absolue sur le plan horrifique.
J’ai entendu dire que le réalisateur du jeu avait reconnu qu’il s’agissait en fait d’un bug de la caméra, mais je ne trouve pas de sources directes de cette affirmation. ↩︎