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Metal Gear Solid V
MGS V est un grand jeu malade dont on parle souvent assez mal, si ce n’est pour en dire des banalités.
Écartons d’emblée deux des pathologies du jeu.
La première - peut-être la plus handicapante pour la réception du jeu - est que son développement est incomplet et qu’il a du être fini à la va-vite, ce qui explique le recyclage de missions à la fin du jeu. Fair point. La déception vient surtout de l’absence de fin dramaturgique plutôt que d’une absence de contenu tant le jeu est généreux sur ce point.
Or, paradoxalement, ceux qui reprochent l’absence de fin au scénario de ce jeu sont souvent les mêmes qui ironisent sur l’omniprésence et la loufoquerie de l’écriture d’Hideo Kojima, la seconde critique récurrente. Je dirais que si son omniprésence est indéniable (à un point parfois difficilement supportable), c’est peut-être le prix à payer d’une liberté créatrice qu’on ne retrouve pas dans des productions de ce type, sur le plan visuel et quant aux thèmes abordés. Dans quels jeux de cette dimension est abordée la guerre en Irak ? Ou la guerre de l’information ? Certes, la fascination de Kojima pour la culture américaine est débordante et manque parfois d’à propos ou de cohérence (les références à l’œuvre de Melville dans MGS V par exemple) mais elle est davantage une grille de lecture supplémentaire plutôt qu’un récit se mettant en travers du joueur (disons que c’est peut-être surtout le cas de MGS V).
Un jeu malade, donc, mais un grand jeu quand mĂŞme.
Pour faire court, il s’agit du meilleur jeu d’infiltration moderne. La maniabilité du personnage est exceptionnelle et le level design offre des possibilités formidables pour aborder une base ennemie. L’ambiance générale est soumise à la même tension que les précédents MGS : un sérieux toujours désarmé par des éléments loufoques. Le contenu du jeu est plus que généreux, il est gargantuesque, au risque parfois de l’indigestion (la gestion de la mother base, par exemple, est une nécessité dont je sais que certains joueurs auraient préférer se passer). Quel chance qu’un tel budget ait été accordé à un jeu avec une telle ambition et une telle écriture. Je pense au meilleur du cinéma américain, capable de produire du grand divertissement sans omettre de passer en sous-marin un discours moins mainstream.
Une critique récurrente de MGS V porte sur le caractère fondamentalement défectueux de son open world : bénéfique en ce qu’il permet d’aborder l’infiltration par plusieurs chemins, mais désespérément vide entre chacune des bases. Or, le jeu invite à se déplacer entre les bases en parcourant la carte à pied (ou à cheval, on se comprend), ce qui conduit à de longues séquences sans intérêt. Ce qui est vrai : les déplacements entre les bases sont pénibles et présentent peu d’intérêt, si ce n’est les avant-postes qui viennent rompre la monotonie du périple. Certes, on aurait pu supprimer carrément l’open world et offrir au joueur la possibilité d’aborder chaque base depuis plusieurs positions différentes. Mais l’open world donne une consistance à l’histoire qui me semble intéressante et rien n’interdit au joueur d’être extrait par hélicoptère entre chaque infiltration de base afin de limiter les déplacements sur la carte.
(En réfléchissant sur cette question de l’open world, je réalise qu’elle est beaucoup plus riche qu’on le laisse parfois entendre. Le recours à l’open world n’est pas toujours nécessaire et quand il l’est il ne sert pas toujours les mêmes objectifs. Il faudrait vraiment que j’approfondisse le sujet.)
Bref, quel jeu.